Victor de Chanville

Avocat au Barreau de Marseille

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Garantie décennale et réparation des préjudices immatériels


Catégorie : Divers

Aux termes de l'article 1792 du code civil : « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ».

 

C'est le principe de la responsabilité décennale des constructeurs. C'est un principe fondamental en droit de la construction qu'on retrouve autant en matière de VEFA (vente en l'état futur d'achèvement), de CCMI (contrat de construction de maison individuelle) ou de travaux de construction non réglementés par des lois spéciales.

 

Un désordre de nature décennale présente nécessairement des conséquences matérielles puisque, évidemment, sa reprise implique des travaux (dont, au demeurant, la teneur est souvent déterminée au terme d'une expertise judiciaire, du moins lorsque la situation est conflictuelle, ce qui est malheureusement souvent le cas au regard des intérêts en jeu).

 

 

Les conséquences peuvent aussi être immatérielles, par exemple le préjudice de jouissance causé par le désordre de nature décennale, une illustration évidente étant l'impossibilité d'user du bien construit en raison du désordre l'affectant.

 

La question se pose régulièrement de savoir si les préjudices immatériels sont indemnisables au titre de la garantie décennale.

 

 

La réponse est positive, comme la cour de cassation l'a rappelé dans une décision du 7 décembre 2023 (n° 22-20.699) :

 

« ayant exactement énoncé que toute clause d'un contrat ayant pour objet d'exclure ou de limiter les responsabilités légales et les garanties prévues aux articles 1792 et suivants du code civil, est réputée non écrite, [la cour d'appel] en a déduit, à bon droit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que [le constructeur] était tenu à réparation de l'ensemble des conséquences dommageables des désordres à l'ouvrage, quelle qu'en soit la nature, matérielle ou immatérielle ».

 

En l'occurrence, les préjudices immatériels concernés correspondaient aux pertes financières dus à l'impossibilité d'exploiter une station-service en conséquence d'un désordre affectant les cuves.

 

 

Au passage, la cour de cassation rappelle que les règles posées par les articles 1792 et suivants du code civil sont d'ordre public et ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une clause limitative dans les marchés de travaux (conformément aux termes de l'article 1792-5 du code civil prévoyant que « toute clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d'exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d'en limiter la portée, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à l'article 1792-4, est réputée non écrite »).

 

 

En revanche, soulignons qu'en matière d'assurance il est constant que seule la réparation matérielle est indemnisable au titre de la garantie d'assurance obligatoire, la cour de cassation ayant eu l'occasion de juger, par exemple, « qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des articles L. 241-1 et A 243-1 du Code des assurances que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulations contraires, aux dommages immatériels, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le préjudice de jouissance était couvert par la police, n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef » (Ccass, 17 décembre 2003, n° 01-02.495).

 

Cela sauf clause particulière du contrat bien entendu, certains contrats prévoyant la garantie des préjudices immatériels avec un plafond, potentiellement négocié.

 

 

Victor de Chanville

Avocat à Aubagne

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