L'article L 442-14 du code de l'urbanisme prévoit que :
« Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date.
Lorsque le lotissement a fait l'objet d'un permis d'aménager, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de délivrance du permis d'aménager, et ce pendant cinq ans à compter de l'achèvement des travaux constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
Toutefois, les dispositions résultant des modifications des documents du lotissement en application des articles L. 442-10, L. 442-11 et L. 442-13 sont opposables.
L'annulation, totale ou partielle, ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale pour un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au lotissement ne fait pas obstacle, pour l'application du présent article, au maintien de l'application des règles au vu desquelles le permis d'aménager a été accordé ou la décision de non-opposition a été prise ».
Ce maintien des règles d'urbanisme est qualifié de « cristallisation ».
Rappelons qu'aux termes de l'article L 442-1 du code de l'urbanisme : « constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis » : le détachement d'un seul lot destiné à être bâti constitue aujourd'hui un lotissement, notion devant être distinguée de diverses opérations telles que le permis de construire valant division ou encore le détachement d'un lot non destiné à être bâti.
Un lotissement doit faire l'objet d'une autorisation d'urbanisme, soit une déclaration préalable, soit un permis d'aménager, les règles correspondantes étant prévues par les articles R 421-23 et R 421-29 du code de l'urbanisme.
Ainsi, par principe, la création d'un lotissement est soumise à déclaration préalable sauf hypothèses spécifiques, à savoir les projets :
prévoyant la création ou l'aménagement de voies, d'espaces ou d'équipements communs à plusieurs lots destinés à être bâtis et propres au lotissement, dont la réalisation est à la charge du lotisseur,
situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques, dans un site classé ou en instance de classement.
Le formalisme de la demande de permis d'aménager est bien plus contraignant, celui-ci impliquant notamment un dossier plus complet et des délais d'instruction plus longs.
Cela étant précisé, la cristallisation des règles en vigueur à la date de l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable ou de l'achèvement des travaux autorisés par le permis d'aménager est bien entendu précieuse en ce qu'elle apporte une sécurité juridique très appréciable : pendant 5 ans et sauf rare exception, les règles initiales sont maintenues, ce qui permet de réaliser au stade du dépôt du permis de construire les projets pouvant être imaginés au moment de la création du lotissement.
Ainsi, la révision du plan local d'urbanisme prévoyant des règles de constructibilité plus strictes ou même l'inconstructibilité de l'assiette du lotissement ne serait pas opposable à une demande de permis de construire déposée sur un lot dans le délai de 5 ans qui nous intéresse, pas plus d'ailleurs que l'annulation du plan local d'urbanisme par les juridictions administratives.
Au titre des exceptions au maintien des règles, il est tout de même possible de citer l'application des règles relatives à la sécurité publique, l'article R 111-2 du code de l'urbanisme disposant que « le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».
Il est ainsi envisageable, par exemple, qu'après l'autorisation de lotir ou la réalisation des travaux le terrain d'assiette fasse l'objet d'un classement en zone de risque définie par un plan de prévention des risque naturels prévisibles ultérieurement adopté.
En général, lorsque les terrains sont cédés rapidement, le risque d'être confronté à une telle situation est notoirement réduit.
Le Conseil d'Etat a toutefois ajouté récemment une condition au jeu du principe de cristallisation, par une décision du 13 juin 2022 (n° 452457) : que le transfert de propriété ou de jouissance du lot concerné par le dépôt d'une demande d'autorisation soit intervenu.
En ce sens, il a été jugé que : « en l'absence de tout transfert de propriété ou de jouissance, [le pétitionnaire] ne pouvait se prévaloir, à l'occasion de cette demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme cité ci-dessus, au lotissement autorisé, dont le projet de construction ne pouvait relever ».
Dans ce dossier, une société avait a adressé au maire une déclaration préalable de division d'une parcelle en deux lots, en vue de construire sur l'un d'eux, l'autre supportant une villa, le maire ne s'étant pas opposé à cette déclaration préalable.
La société avait ensuite déposé sur le lot détaché un permis de construire, en vue de la location saisonnière de la construction projetée, le permis litigieux étant sollicité pour son propre compte et aucune vente n'étant ensuite envisagée.
L'arrêté accordant le permis de construire a dans ce contexte été annulé au motif exposé ci-dessus, faute de tout transfert de propriété ou de jouissance permettant le jeu de la cristallisation, en l'état de règles d'urbanisme plus défavorables à la date de dépôt du permis de construire qu'à la date de la déclaration préalable et ne permettant pas, en conséquence, la réalisation du projet.
Cette décision se comprend puisque le mécanisme du maintien des droits à construire ou cristallisation a manifestement pour objet de protéger les acquéreurs des lots de lotissement afin d'éviter des situations d'achat de terrains ne pouvant ensuite pas être bâtis, ainsi que les lotisseurs d'une certaine manière qui ne pourraient vendre les lots en cas de changement intempestif de la réglementation applicable : la société, en prétendant en bénéficier pour son compte en tant que lotisseur, avait détourné la finalité de cette règle, dont elle aurait souhaité bénéficier de manière illégitime.
Or, lorsque le propriétaire d'un terrain souhaite pouvoir bénéficier dans le futur des règles en vigueur à une date donnée, il lui appartient de déposer un certificat d'urbanisme, l'article L 410-1 du code de l'urbanisme prévoyant dans une telle hypothèse que « lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ».
Il n'est pas nécessaire pour bénéficier de ces dispositions de déposer un certificat d'urbanisme opérationnel, et leur bénéfice est d'ailleurs acquis en cas de certificat d'urbanisme négatif.
Mais il est vrai que la durée de cristallisation de 18 mois est moins intéressante que celle de 5 ans existant en matière de lotissement, même si cette durée peut être prorogée dans les conditions prévues par l'article R 410-17 du code de l'urbanisme pour éventuellement dépasser les 5 ans à terme : « le certificat d'urbanisme peut être prorogé par périodes d'une année sur demande présentée deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité, si les prescriptions d'urbanisme, les servitudes administratives de tous ordres et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables au terrain n'ont pas changé ».
En définitive, tout dépendra de l'évolution de la réglementation, un aléa étant induit chaque année au moment de la demande de prorogation par l'éventuelle édiction de règles plus défavorables depuis la précédente prorogation, aléa auquel n'est pas soumis le maintien des règles en matière de lotissement.
Victor de CHANVILLE
Avocat à Aubagne