Victor de Chanville

Avocat au Barreau de Marseille

141 avenue du 21 Août 1944 - 13400 Aubagne   |   Tél: 04-84-48-98-60




Permis de construire obtenu par fraude


Catégorie : Droit de l'urbanisme

 

        Le Conseil d'Etat a récemment, par une décision du 16 août 2018 (n° 412663), réaffirmé les principes applicables en cas de fraude du pétitionnaire dans le cadre d'une demande d'autorisation d'urbanisme.

 

Il a ainsi rappelé qu'un permis de construire « ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré.

 

La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration ».

 

Autrement dit, la fraude permet de déroger aux dispositions de l'article L 424-5 du code de l'urbanisme au terme desquelles « la décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire » : l'autorisation obtenue par fraude peut être retirée sans condition de délai.

 

        Pour que la fraude soit reconnue, le pétitionnaire doit s'être livré à de véritables « manœuvres » aux fins d'induire en erreur le service instructeur, ce qui implique que l'élément intentionnel ne puisse être mis en doute ; il est nécessaire que ces manœuvres – consistant à fournir des informations faussées ou inexactes sur les paramètres pris en compte dans le cadre de l'instruction de la demande, notamment la configuration des lieux – aient influencé l'examen de la demande et, par conséquent, faussé l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à la réglementation.

 

En définitive, la fraude doit permettre d'obtenir une autorisation qui n'aurait pas pu légalement être accordée car méconnaissant la règle d'urbanisme applicable au projet.

 

Il faut par conséquent bien distinguer la fraude de l'erreur ou de l'omission dans la composition du dossier de la demande d'autorisation d'urbanisme, lesquelles ne seront pas forcément sanctionnées.

 

        En l'occurrence, le Conseil d'Etat apprécie la fraude de la façon qui suit :

« En premier lieu (…) le tribunal administratif a relevé que les plans de coupe joints au dossier de demande des permis litigieux représentaient de façon erronée le terrain d'assiette du projet comme étant plat. S'il a par ailleurs relevé qu'il ressort du plan de coupe de la construction existante et du permis de construire délivré en 1964 pour son édification que le terrain était en pente, il a pu sans erreur de droit considérer que les informations erronées du dossier de demande étaient de nature à caractériser une fraude dès lors que les autres éléments du dossier ne permettaient pas d'établir la déclivité du terrain d'assiette au niveau de la construction autorisée, la réalité de celle-ci étant confirmé, comme il le relève, par le relevé topographique produit par devant lui.

En deuxième lieu, si la société NSHHD fait valoir qu'elle a repris le plan de coupe figurant dans le dossier de demande présenté par le précédent propriétaire, et ayant donné lieu à un permis de construire délivré en 2013, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier en estimant, sans insuffisance de motivation, que le pétitionnaire ne pouvait ignorer la déclivité du terrain et omettre de le signaler dans ses demandes de permis de construire et de permis modificatif réalisées par une agence d'architectes ».

 

L'administration a dans ce contexte été induite en erreur au sujet de la hauteur du bâti projeté et donc au niveau de l'application de l'article 10 du règlement du PLU.

 

Le Conseil d'Etat ajoute, et c'est plutôt intéressant, que « si la société soutient que le retrait d'un acte obtenu par fraude devrait être soumis à un délai raisonnable d'un an au nom du principe de sécurité juridique, un tel moyen doit être écarté, un acte obtenu par fraude pouvant être légalement retiré à tout moment ».

 

Le pétitionnaire a ici tenté - sans succès - de faire jouer un principe jurisprudentiel récemment consacré selon lequel « le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contesté indéfiniment par les tiers un permis de construire, une décision de non-opposition à une déclaration préalable, un permis d'aménager ou un permis de démolir ;

dans le cas où l'affichage du permis ou de la déclaration, par ailleurs conforme aux prescriptions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, n'a pas fait courir le délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 600-2, faute de mentionner ce délai conformément à l'article A. 424-17, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain ;

en règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable » il est possible de se reporter à ce sujet à un autre article publié sur le site à cette adresse : http://www.dechanville-avocat.fr/Billet-96-delai-raisonnable-recours-permis-construire).

 

Quoi qu'il en soit, la fraude n'est pas si souvent retenue par les juridictions administratives et il convient pour espérer obtenir un résultat et l'annulation de l'autorisation obtenue par fraude être très précis dans les démarches à entreprendre, l'intervention d'un avocat pouvant s'avérer utile, afin de convaincre le Maire de procéder au retrait de la décision ou contester son refus.

 

Victor de Chanville

Avocat à Aubagne

 

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