La loi n° 2017-242 du 27 février 2017 est venue apporter des modifications substantielles aux règles régissant la prescription pénale, notamment en matière d'urbanisme.
Il sera rappelé qu'en droit de l'urbanisme, le fait d'édifier une construction soumise à autorisation d'urbanisme sans avoir obtenu un permis de construire, une décision de non opposition à déclaration préalable ou un permis d'aménager, ou encore en méconnaissance de la décision obtenue, constitue une infraction pénale, et plus particulièrement un délit (voir en ce sens notamment l'article L 480-4 du code de l'urbanisme).
Il en est de même, notamment, des travaux réalisés en méconnaissance du plan local d'urbanisme (PLU) (voir l'article L 610-1 du code de l'urbanisme) ou encore de ceux réalisés en méconnaissance d'un arrêté interruptif de travaux (AIT, pris par le Maire ou le Préfet lorsque des travaux irréguliers ont été constatés) (voir l'article L 480-3 du code de l'urbanisme).
Lorsque les travaux en question ont été constatés par la police municipale ou la Direction départementale des Territoires (DDT), leur auteur est en général convoqué devant le Tribunal correctionnel et risque une peine d'amende et/ou d'être condamné à remettre les lieux en leur état antérieur (mesure de restitution), autrement dit à démolir les ouvrages irréguliers.
Un des moyens de défense régulièrement soulevé par l'avocat du prévenu est la prescription de l'action publique : l'infraction a été constatée trop tardivement (précision étant faite qu'en général, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la prescription de l'action publique ne court qu'à compter du jour où les installations irrégulières sont en état d'être affectées à l'usage auquel elles sont destinées).
Antérieurement à la réforme, le délai de prescription était de 3 ans : si l'infraction n'avait pas été constatée moins de 3 ans après la fin des travaux, elle ne pouvait donner lieu à une condamnation.
Mais désormais, en vertu des dispositions de la loi du 27 février 2017, l’article 8 du code de procédure pénale prévoit que « l'action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise » : la durée de la prescription a été doublée.
Notons, en ce qui concerne l'application dans le temps des dispositions nouvelles, qu'il convient de se reporter aux dispositions de l'alinéa 4° de l'article 112-2 du code pénal, aux termes desquelles les lois relatives à la prescription de l'action publique « sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur » « lorsque les prescriptions ne sont pas acquises ».
Autrement dit, lorsque l'ancien délai de prescription de trois ans est acquis, la loi nouvelle n'a pas aucun effet et les faits concernés ne peuvent plus donner lieu à une condamnation. En revanche, si l'ancien délai de trois ans n'est pas expiré, la nouvelle prescription de six ans devient applicable aux faits délictueux.
Le délai de prescription peut être interrompu par certains événements : dans ce cas, un nouveau délai de même durée commence à courir.
La loi précitée du 27 février 2017 a également procédé à la définition des causes d'interruption de la prescription, antérieurement fixées par la jurisprudence.
Ainsi, l'article 9-2 du code de procédure pénale dispose désormais que « le délai de prescription de l'action publique est interrompu par :
1° Tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l'action publique, prévu aux articles 80, 82, 87, 88, 388, 531 et 532 du présent code et à l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
2° Tout acte d'enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction ;
3° Tout acte d'instruction prévu aux articles 79 à 230 du présent code, accompli par un juge d'instruction, une chambre de l'instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction ;
4° Tout jugement ou arrêt, même non définitif, s'il n'est pas entaché de nullité.
Tout acte, jugement ou arrêt mentionné aux 1° à 4° fait courir un délai de prescription d'une durée égale au délai initial ».
La liste ne paraît pas exhaustive et laisse au Juge un pouvoir d'interprétation dans certaines hypothèses.
Il convient dès lors, dans l'attente que la jurisprudence nous fournisse des indication plus précises, de rappeler les solutions jurisprudentielles antérieures à la loi du 27 février 2017, en vertu desquelles l'interruption de la prescription était acquise dans le cas :
– d’un procès-verbal dressé par un agent assermenté;
– de procès-verbaux d’audition du prévenu;
– des actes du procureur de la République mettant en mouvement l’action publique;
– des actes du juge d’instruction;
– de la citation directe dénoncée au ministère public antérieurement à la comparution du prévenu;
– de la plainte avec constitution de partie civile;
– de la demande du procureur de la République à la DDE de vérifier la régularité de la construction.
Il mérite d'être souligné que, même si l’infraction a régulièrement été constatée avant que la prescription ne soit acquise, l’absence d’acte interruptif en cours de procédure pendant une durée supérieure à six ans conduira à la reconnaissance de la prescription de l’action publique.
La prescription peut en outre être suspendue : aux termes de de l'article 9-3 du code de procédure pénale créé par la loi du 27 février 2017, « tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription ».
Ce texte a pour effet de codifier les solutions jurisprudentielles antérieures.
Dans l'hypothèse de la suspension de la prescription, le temps de prescription écoulé demeure acquis. Il en est donc tenu compte lorsque la prescription recommence à courir après que la cause de suspension a pris fin.
Notamment, la prescription de l’action publique est suspendue par le recours en appréciation de légalité auprès du tribunal administratif, en application de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, depuis la décision du juge pénal ayant ordonné le sursis à statuer jusqu’à la date du jugement de la juridiction administrative.
En conclusion, nous retiendrons surtout l'allongement du délai de prescription des délits commis en matière d'urbanisme, passant de 3 à 6 ans.
En cas de citation devant le tribunal correctionnel, l'intervention d'un avocat paraît d'autant plus nécessaire, observation étant faite que le Tribunal correctionnel de Marseille, qui juge les infractions commises à Aubagne, a rendu ces derniers temps des décision assez sévères.
Victor de CHANVILLE
Avocat à Aubagne