Aux termes de l'article L 610-1 du code de l'urbanisme, les travaux réalisés en méconnaissance des dispositions du document d'urbanisme (plan local d'urbanisme en général) constituent une infraction pénale :
« En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations mentionnées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des plans locaux d'urbanisme »,
les articles L 480-1 à L 480-9 du code de l'urbanisme relevant des « dispositions relatives aux contrôles, aux sanctions et aux mesures administratives », lesquelles se rapportent notamment au constat des infractions ainsi qu'aux sanctions pénales et civiles (des mesures de mise en demeure, astreinte et consignation étant par ailleurs prévues aux articles L 481-1 à L 481-3 du même code).
Pour qualifier les faits d'infraction pénale dans une telle situation, il faut ainsi pouvoir les rattacher à une règle ou obligation prévue par le plan local d'urbanisme, une question pratique se posant régulièrement dans ce contexte : en cas de modification ou de révision dudit plan (ce qui équivaut à l'élaboration d'un nouveau document) pendant l'exécution des travaux illégaux, quelle version doit être appliquée ?
Par une décision du 14 février 2023 (n° 22-81.034) la cour de cassation confirme sa jurisprudence sur la question, dégageant une solution qui semble somme toute logique : la régularité des travaux (c'est-à-dire l'existence ou non d'une infraction pénale) doit être déterminée en considération de la réglementation en vigueur à la date à laquelle les travaux s'achèvent et non à la date à laquelle ils ont débuté.
En l'occurrence, une société civile immobilière (SCI) avait fait l'objet d'un procès-verbal d'infractions au code de l'urbanisme pour avoir créé sept logements locatifs dans un bâtiment existant, en méconnaissance du document d'urbanisme applicable (un plan d'occupation des sols, ancêtre du plan local d'urbanisme), compte tenu du nombre insuffisant de places de parking, de l'absence d'aire de retournement et d'une distance des parkings à l'immeuble locatif excédant 50 mètres.
La société a été déclarée coupable des infractions dont il est question et contestait la décision de la cour d'appel qui lui a reproché, outre la méconnaissance du plan d'occupation des sols, celle du plan local d'urbanisme adopté en cours de travaux.
La cour de cassation valide néanmoins l'analyse de la cour d'appel de la manière suivante : « il ressort des propres constatations de la cour d'appel, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause et des pièces contradictoirement débattues que, selon la prévenue elle-même, les travaux se sont déroulés de juillet 2008 à octobre 2010, ce dont elle a pu déduire que la huitième modification du PLU, entrée en vigueur en mars 2010, était applicable aux travaux exécutés par la SCI ».
Cette solution (qui avait au demeurant déjà été proposée par la cour de cassation en 2016) se justifie manifestement par le fait qu'en l'espèce (et de manière générale en matière d'urbanisme) l'infraction est continue et non instantanée, en ce qu'elle correspond à une activité qui dure dans le temps : c'est pour cela qu'il convient de se placer au terme des travaux pour pouvoir se prononcer sur leur régularité ou leur illégalité.
Le principe corrélatif ou inverse est que, dans l'hypothèse de l'édiction de règles plus permissives en cours de réalisation des travaux, lesdits travaux peuvent être régularisés a posteriori en cas de besoin ; cela ne fait pas disparaître l'infraction commise – réalisation de travaux non autorisés – mais concrètement il est plus que rare que des poursuites soient introduites dans une telle hypothèse.
Autrement dit, dans la majorité des cas il n'y aura pas de convocation devant le tribunal correctionnel lorsqu'une décision de régularisation (permis de construire, décision de non opposition à déclaration préalable, permis d'aménager) intervient en cours d'enquête après constatation des infractions, et avant citation devant le tribunal bien entendu. Au demeurant, même si la procédure pénale suit son cours devant le tribunal correctionnel, il est possible de faire valoir une régularisation en cours d'instance, ce qui peut donner lieu à une relaxe ou un abandon des poursuites.
D'ailleurs, en matière de droit pénal de l'urbanisme, la pratique ces dernières années – dans un objectif de désengorgement des tribunaux particulièrement surchargés de dossiers – consiste à proposer au contrevenant de régulariser l'infraction lorsque cela s'avère possible (ou de remettre en état lorsque ce n'est pas envisageable) en contrepartie de l'abandon des poursuites.
Dans ce contexte, lorsqu'une infraction d'urbanisme a été commise et constatée (précision étant faite que le délai de prescription d'une telle infraction est de 6 ans : si elle est constatée plus de 6 ans après avoir été commise, d'éventuelles poursuites ne pourront pas prospérer), il est souhaitable de travailler sur une potentielle régularisation.
Si une telle régularisation n'est pas possible, la tribunal condamnera au paiement d'une amende et éventuellement à la remise des lieux en leur état antérieur à la commission de l'infraction, ce qui peut entraîner notamment le prononcé d'une condamnation à démolir sous astreinte le bâti illégal ; notons cependantqu'il est possible dans certains dossiers de plaider efficacement l'absence de nécessité de remettre en état.
Tout dépend bien entendu de la teneur de l'infraction poursuivie, qui présente en outre une incidence sur le montant de l'amende.
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne