Aux termes de l'article L 162-1 du code rural :
« Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation.
Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés.
L'usage de ces chemins peut être interdit au public ».
Les chemins d'exploitation diffèrent des chemins ruraux définis pour leur part à l'article L 161-1 du code rural selon lequel :
« Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ».
De cette différence de régime, il s'induit que l'accès à un chemin d'exploitation peut être interdit, contrairement à l'accès à un chemin rural de nature communale.
Reste à déterminer comment peut s'exprimer l'interdiction et qui parmi les propriétaires du chemin d'exploitation – qui appartient en général aux différents propriétaires des terrains qu'il dessert – peut mettre en œuvre une telle interdiction.
Le code rural ne définit pas, en effet, les modalités de l'interdiction : il est donc permis de s'interroger sur le pouvoir d'un seul propriétaire de s'opposer au passage du public, ou bien de se demander si l'unanimité ou une majorité des propriétaires doit prendre une telle décision pour que celle-ci soit valable, le chemin d'exploitation étant caractérisé par un usage et une propriété communs.
La Cour de cassation s'est prononcée sur la question par un arrêt du 29 novembre 2018 (n° 17-22508) et a décidé que chaque propriétaire riverain dispose du droit d'en interdire l'accès aux non-riverains :
« Vu l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'en l'absence de titre, les chemins d'exploitation sont présumés appartenir aux propriétaires riverains ; que leur usage est commun à ceux-ci et peut être interdit au public ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juin 2017), que Mme Janine X..., Mme Christine Y... et M. Ezechiel Y... (les consorts Y...), propriétaires d'une parcelle desservie par un chemin d'exploitation, se plaignant de ce que la société Otra Construct et les consorts B... C... prétendaient faire usage de ce chemin sans en être riverains et de ce que Mme A..., propriétaire d'une parcelle riveraine, avait autorisé le passage à des propriétaires d'arrière-fonds, les ont assignés en interdiction d'accès au chemin par les non-riverains ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande des consorts Y..., l'arrêt retient que l'interdiction au public prévue par l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime est subordonnée aux conditions de majorité prévues par l'article 815-3 du code civil et que les consorts Y... ne disposent pas à eux seuls de la majorité des deux tiers des riverains, ni ne peuvent se prévaloir d'un mandat tacite de ceux-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'usage commun des chemins d'exploitation n'est pas régi par les règles de l'indivision et que chaque propriétaire riverain dispose du droit d'en interdire l'accès aux non-riverains, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
De par leur ancienneté et souvent l'absence de mention dans les actes, les chemins d'exploitation et les chemins ruraux sont souvent la cause de conflits et contentieux légitimant l'intervention d'Avocats et d'Experts fonciers tant la situation est parfois complexe.
Il est bon, dès lors, que la jurisprudence précise au fur et à mesure le régime applicable.
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne