Une illustration récente (arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2016) d'un mécanisme couramment utilisé par les avocats en droit immobilier pour obtenir une indemnisation ou la démolition d'un ouvrage édifié dans le voisinage, à savoir celui du trouble anormal de voisinage, mérite l'attention.
En l'occurrence, il ressort des photographies et du rapport d'expertise soumis à l'appréciation des Juges que la construction par des voisins d'une remise dans leur jardin a complètement occulté la vue latérale dont les intéressés disposaient sur la Seine, sur un paysage qualifié par l'expert de site « remarquable, paisible, baigné de verdure » ; en outre, le mur de la construction nouvelle déprécie et occulte d'une manière importante l'ensoleillement toute la matinée et, de surcroît, est à l'origine de la perte de jour des pièces donnant sur la terrasse à certaines heures de la journée.
Dans ce contexte, tous les ingrédients étant réunis (perte de vue, perte d'ensoleillement, perte de luminosité), les Juges ont sanctionné « le trouble constitué par la perte totale de la vue latérale sur la Seine, du fait de l'imposante construction réalisée, et au regard du caractère particulier des lieux et de la dépréciation du bien immobilier qu'elle entraînait, jointe à l'impossibilité pour les [victimes] d'accéder à leur mur pignon », au motif que le trouble en question dépassait les inconvénients normaux de voisinage.
Il en a résulté une condamnation à des dommages et intérêts d'un montant de 12.000 euros.
Une particularité doit être signalée : la propriété des « victimes » du nouveau bâtiment s'insère dans un site urbain, et plus précisément dans une zone d'habitations anciennes proches les unes des autres, ce qui n'a pas empêché la condamnation alors que, régulièrement, il est jugé que le caractère urbanisé du voisinage permet d'écarter la réparation du préjudice causé par une perte de vue.
A priori, la situation du fonds dans une zone urbanisée a été écarté au regard du fait que la privation de vue est intervenue dans un « quartier particulier situé en bord de Seine, dans un site protégé constituant une promenade très prisée ».
Quoi qu'il en soit cette situation vient nous rappeler que toute construction nouvelle, irrégulière ou autorisée par un permis de construire, respectant ou pas le plan local d'urbanisme (PLU) est susceptible de causer un trouble anormal de voisinage pouvant donner lieu à une indemnisation mais également à la démolition du bâtiment à l'origine du trouble.
Et ne sont pas concernés que les grands projets immobiliers puisqu'en l'espèce une simple remise était en cause...
Victor de CHANVILLE
Avocat à Aubagne