Un arrêt récent de la Cour de cassation (3e chambre civile, 4 février 2016) est venu illustrer les conditions du jeu d'une clause d'exclusion des vices cachés prévue dans l'acte de vente.
Cela me donne l'occasion de revenir, à côté de cette solution particulière, sur les principes généraux applicables aux vices cachés en droit immobilier, ainsi que sur les procédures à introduire pour obtenir réparation.
En matière de vente immobilière, le vendeur est classiquement tenu de la garantie des vices cachés prévue par l'article 1641 du code civil qui les définit de la manière suivante :
« défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus »,
les vices apparents étant expressément exclus de la garantie par l'article 1642 du même code, tout comme, en regard de la rédaction du texte, les défauts dus à l'usure normale ou à l'utilisation prolongée du bien ou ceux dont la cause est postérieure à la vente.
Le caractère occulte du vice implique que l'acheteur ne pouvait pas le déceler et qu'il n'en a pas eu connaissance au moment de la vente.
La jurisprudence distingue ici entre l'acheteur professionnel et l'acheteur profane, ce dernier devant lors de la délivrance du bien procéder à l'examen et aux vérifications auxquels procéderait tout homme de diligence moyenne, c'est-à-dire tout acheteur sérieux.
Par suite, il n'a pas à se livrer à des vérifications approfondies, ni à se faire assister par un expert.
Toutefois, si le défaut était décelable par un examen superficiel ou des vérifications élémentaires, et si l'acheteur n'a pas accompli les diligences minimales qui lui auraient permis de le découvrir, le vice ne sera pas considéré comme occulte.
Il en est de même, bien entendu, s'il est établi que l'acquéreur en a été informé préalablement à la vente.
A titre d'illustration, dans le domaine immobilier, des vices cachés peuvent être caractérisés par : des fondations défectueuses, l'insuffisante solidité de poutres maîtresses d'un appartement, la présence de termites dans des poutres, l'absence de vide sanitaire sous un plancher entraînant une humidité qui rend l'immeuble impropre à l'habitation, ou encore l'absence d'eau courante dans une maison d'habitation équipée de canalisations et de robinetterie.
Le défaut peut aussi bien porter sur la chose elle-même que sur un élément d'équipement.
Une action en justice peut être introduite dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (article 1648 du code civil), ce qui se comprend puisque, le vice n'étant pas apparent, il arrive fréquemment qu'il soit découvert bien après l'acquisition.
Souvent, c'est d'ailleurs le dépôt du rapport d'expertise (voir les développements qui suivent) qui porte, de manière certaine, à la connaissance de l'acheteur la nature exacte et le degré de gravité du vice.
Une fois acquise l'existence du vice caché et la responsabilité du vendeur, l'acquéreur lésé a le choix entre deux options, l'action rédhibitoire et l'action estimatoire :
aux termes de l'article 1644 du code civil, « l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix », la seconde option étant en général retenue ; tout dépend bien entendu de la gravité du vice.
Il est notable qu'en cas de ventes successives, le sous-acquéreur peut agir, au choix, contre son vendeur ou contre les vendeurs antérieurs.
En général, et la plupart des avocats le conseilleront à leurs clients, il convient dans un premier temps d'introduire une action en référé-expertise pour que le juge des référés (c'est à dire de l'urgence) du tribunal de grande instance désigne un expert.
Celui-ci, après s'être déplacé sur les lieux et avoir pris connaissance de tous les éléments et pièces utiles ainsi que des observations des parties, va fournir dans son rapport les éléments nécessaires à déterminer si le vice dont se plaint l'acquéreur relève de la garantie de l'article 1641 du code civil et, le cas échéant, quels travaux pourraient être mis en œuvre pour y remédier.
Une fois le rapport rendu et selon les conclusions de l'expert, soit les parties s'accordent à l'amiable, soit l'acquéreur saisit à nouveau à nouveau le tribunal de grande instance, statuant au fond cette fois-ci, pour obtenir la reconnaissance du vice l'indemnisation de son préjudice.
La procédure est ainsi assez longue et technique, le magistrat s'appuyant avant toute chose sur les conclusions du rapport d'expertise ; il est ainsi indispensable de se faire assister, lors de l'expertise, au niveau juridique par un avocat mais aussi au niveau technique par un professionnel.
Le vendeur pourra être condamné, outre le financement des travaux nécessaires à remédier aux désordres, à des dommages et intérêts, en particulier s'il connaissait l'existence du vice et l'a dissimulé à l'acheteur, autrement dit s'il était de mauvaise foi.
Cette question me permet de faire le lien avec la jurisprudence de la Cour de cassation, la bonne foi du vendeur pouvant être déterminante, à côté de l'indemnisation de l'acquéreur, sur la responsabilité même de celui-ci dans l'hypothèse où une clause d'exclusion de garantie aurait été insérée dans l'acte de vente.
L'existence d'une telle clause est licite dans les contrats conclus entre deux particuliers, et d'ailleurs très fréquemment prévue dans les ventes immobilières, l'article 1643 du code civil prévoyant en ce sens que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ».
Toutefois, la mauvaise foi du vendeur qui avait connaissance du vice et l'a dissimulé à son acquéreur ne permet pas, logiquement, le jeu de la clause d'exclusion ; le débat entre les avocats lors de la procédure portera fréquemment sur ce point qui peut se révéler crucial compte tenu des intérêts financiers potentiellement en jeu.
C'est à ce titre que l'arrêt de la Cour de cassation du 4 février 2016 est intéressant.
Il se rapporte à une situation dans laquelle, après avoir constaté dans les mois suivant l'achat d'une maison, l'apparition de fissures sur la façade, les acquéreurs, après expertise judiciaire, ont assigné leurs vendeurs, sur le fondement de la garantie des vices cachés, en paiement de sommes au titre du coût des travaux et de dommages-intérêts.
L'expert judiciaire a constaté l'existence de fissures très localisées, car n'affectant que la façade de la maison, ne nuisant pas à l'usage d'habitation, mais exigeant des réparations car susceptibles de nuire à la solidité de l'immeuble par leur caractère évolutif (et rentrant donc dans le champs de la garantie des vices cachés telle que prévue par l'article 1641 évoqué au début du présent article).
Pour cette raison, la cause des désordres, lesquels pouvaient être dus à de mauvaises fondations, à une nature particulière de sol, à la présence de source ou de fuites sur les réseaux ou de racines d'arbres, n'a été révélée qu'à l'issue de plusieurs investigations qui ont permis d'attribuer les fissures à la sécheresse qui provoquait des retraits ou des gonflements des terres.
La question qui se posait était de savoir si les vendeurs, qui avaient procédé eux-mêmes l'année précédant la vente à un ravalement de la façade incluant le colmatage de ces fissures, avaient connaissance du vice et, par suite, ne l'avaient pas sciemment dissimulé aux acquéreurs.
En effet, l'acte de vente excluait la garantie des vices cachés en stipulant que l'acquéreur « prendra les biens vendus dans l'état où ils se trouveront te jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur pour raison (. .. ) de l'état des biens vendus, de l'immeuble dont il dépendent, des vices de toute nature apparents ou cachés dont ils peuvent être affectés, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires ».
Dans ce contexte, la Cour de cassation a écarté la responsabilité des vendeurs en considérant que :
« ayant constaté que l'expert judiciaire avait indiqué que les désordres étaient évolutifs, qu'ils avaient dû survenir lors d'un épisode ancien de sécheresse et apparaître alors minimes et très localisés et qu'il évoluaient à chaque épisode de sécheresse, notamment celui de l'année 2008,
et souverainement retenu qu'en procédant au colmatage des fissures peu importantes localisées en façade lors de la réfection de la peinture en 2006, les vendeurs n'avaient pas eu la volonté de dissimuler un vice à des acquéreurs et qu'il n'était pas démontré qu'au jour de la vente, ils avaient connaissance du vice affectant l'immeuble et de sa cause récurrente,
la cour d'appel (...) a pu en déduire que la clause de non-garantie prévue au contrat pouvait être opposée à ceux-ci ».
Autrement dit, et c'est la solution qu'il conviendra ici de retenir, lorsque les vendeurs ont connaissance d'un désordre assez limité et effectuent des travaux pour y mettre fin, tout en ignorant sa cause et son ampleur qui ne se sont révélées que postérieurement à la vente, ils doivent être considérés comme étant de bonne foi et peuvent opposer à l'acquéreur la clause de l'acte de vente excluant la garantie des vices cachés.
Cette solution n'est pas révolutionnaire mais fournit une illustration factuelle intéressante de la manière dont la bonne foi du vendeur peut être déterminée, cela au sujet d'un vice assez courant, notamment dans la région d'Aubagne où de nombreuses communes sont sujettes à des retraits et gonflements d'argile entraînant des fissures récurrentes dans les murs.