Un panorama rapide sur les arrêts rendus ces dernières années par la Cour de cassation permet de constater que les juges se montrent pragmatiques en matière d'empiètement sur une servitude de passage.
Ils se fondent en effet, pour déterminer si l'ouvrage à l'origine de l'empiètement doit être ou pas démoli, sur l'atteinte qu'il cause à l'usage de la servitude.
Un arrêt récent de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 14 janvier 2016 a ainsi énoncé de manière extrêmement claire que la démolition n'a pas à être prononcée dans le cas d' « empiétements ... minimes » qui « ne diminuaient pas l'usage de la servitude et n'en rendaient pas l'exercice plus incommode ».
La Cour avait déjà eu l'occasion de juger, le 24 mars 2015, que, dans la mesure où « la clôture installée par Mme X... le long de son jardin et réduisant en deux endroits la largeur du chemin, ne diminuait pas l'usage de la servitude ni ne la rendait plus incommode, le chemin demeurant accessible sans plus de difficultés depuis la voie publique, sur toute sa longueur, tant par des véhicules automobiles que par des camions de livraison de gaz, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la demande en suppression de cette clôture devait être rejetée ».
Elle avait considéré en un sens similaire, le 21 janvier 2014, que « ayant constaté que la construction appartenant à M. et Mme X... n'entravait pas l'accès de M. et Mme Y... à leur habitation, la cour d'appel a souverainement retenu que l'usage de la servitude de passage établie en faveur du fonds de M. et Mme Y... n'était ni diminué ni rendu plus incommode », ce qui ne justifiait pas une démolition.
En revanche, lorsqu'une véritable diminution ou gêne dans l'usage de la servitude est caractérisée, la démolition devient envisageable.
Ainsi, par exemple, il a été jugé que : « le mur … construit empiéta[n]t légèrement sur la... parcelle, la cour d'appel en a exactement déduit ... que cette construction rendait moins commode la servitude en cause et qu'il convenait d'ordonner sa démolition » (arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 27 janvier 2015).
En conclusion, ces solutions paraissent adaptées à la réalité du terrain puisqu'il est courant que des servitudes anciennes soient légèrement impactées par certains aménagements sans aucune gêne pour leur utilisateur, ce qui peut néanmoins donner lieu à des règlements de comptes en cas de conflit de voisinage et, par suite, à des procédures en justice parfois à la limite de l'abus.
Cette situation est à saluer, notamment par les avocats, puisqu'en matière de droit immobilier et en particulier de droit de propriété la Cour de cassation ne tolère en général pas le moindre empiètement, ce qui conduit souvent à des solutions très sévères.