Le « tour d’échelle » ou « droit d’échelle » consiste dans le droit pour une personne de disposer d’un accès temporaire à la propriété voisine contiguë, afin d’effectuer des travaux sur sa propriété qu’il est dans l’impossibilité de réaliser depuis celle-ci.
Ce droit a été créé par la jurisprudence qui le subordonne :
- au caractère indispensable des travaux,
- à une nécessité technique de passer par le fonds voisin,
- à une juste proportion entre la gêne provoquée et l’utilité des travaux.
Une réponse ministérielle du 09/01/2007 explique bien le principe, retranscrite ci-dessous:
« Le droit d'échelle est une servitude qui peut être établie par voie amiable, conventionnelle ou par autorisation judiciaire en cas de désaccord. Elle consiste dans le droit, pour le voisin d'une propriété située en limite séparative très proche, de disposer d'un accès temporaire à cette dernière, pour effectuer les travaux nécessaires à la conservation de sa propre propriété. Cette servitude, plus couramment nommée de « tour d'échelle », est d'origine jurisprudentielle. La délivrance d'un permis de construire d'un bâtiment en limite séparative, s'il peut rendre nécessaire l'usage de cette pratique, ne dispense pas du respect des conditions d'institution de ce droit résultant des règles du droit civil. La jurisprudence a dégagé certains critères jurisprudentiels pour les modes d'établissement de cette servitude : les travaux doivent avoir un caractère indispensable et permettre le maintien en bon état de conservation d'une construction existante ; l'accès chez le voisin suppose que toute tentative pour effectuer les travaux de chez soi, même au prix d'une dépense supplémentaire, se soit revélée impossible ; les modalités de passage, la marge d'empiètement et le temps d'intervention doivent être aussi restreints que possible, le juge pouvant en définir les limites ; le propriétaire voisin est en droit d'obtenir des dédommagements au titre des détériorations éventuelles et des troubles de jouissance inhérents au chantier. Cependant, il importe de souligner que la jurisprudence, d'interprétation stricte, considérant la servitude comme un droit portant atteinte à la propriété, paraît la réserver aux seules réparations sur des constructions existantes et refuser de l'appliquer pour l'édification de constructions nouvelles ».
Le principe posé par la jurisprudence et rappelé par cette réponse ministérielle est simple : les travaux permettant de bénéficier du droit de tour d’échelle doivent rendre indispensable l’atteinte à la propriété privée d’autrui.
Ainsi, en principe, le projet d’édification d’une construction nouvelle, même régulièrement autorisée par un permis de construire ou une autre décision d‘urbanisme, ne permet pas d’en bénéficier.
Si le refus du voisin peut être analysé comme un abus de droit dans certaines circonstances, et sanctionné en justice notamment par une injonction de laisser l’accès à son terrain sous astreinte, il n’en est donc rien du refus opposé dans le cadre d’un projet de construction, sauf peut-être dans des situations particulières où il est indispensable de construire un ouvrage pour des raisons de sécurité par exemple, notamment un mur de soutènement.
La cour de cassation a eu l’occasion récemment de se prononcer sur la question, par une décision du 12 novembre 2000 (n° 19-22.106).
Dans cette espèce, une société propriétaire d'un terrain contigu à celui appartenant à une SCI, avait obtenu un permis de construire l'autorisant à édifier un immeuble en limite de sa propriété.
Soutenant que la pose et l'isolation des fondations de l'immeuble impliquaient la réalisation de travaux de terrassement sur la parcelle voisine, elle a assigné la SCI en autorisation de tour d'échelle afin de pénétrer sur son fonds pendant la durée des travaux.
L’autorisation lui a été refusée au motif suivant :
« La cour d'appel a souverainement retenu,
d'une part, que, l'environnement urbain étant peu dense et la société SC [...] disposant d'un terrain étendu lui permettant de modifier l'implantation de son immeuble en retrait de la limite séparative, la réalisation de son projet ne rendait pas indispensable une intervention sur le terrain voisin et, d'autre part, que les travaux envisagés, qui impliquaient la démolition d'un mur, le creusement d'une tranchée de 2,70 mètres de profondeur et de 3 mètres de large tout le long du chemin d'accès à la parcelle voisine et la privation de l'usage de son parking pendant au moins six semaines, étaient de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la SCI ».
Ainsi, sans juger explicitement qu’un projet de construction nouvelle excluait par hypothèse la possibilité d’invoquer le droit de tour d’échelle, la cour estime que la réalisation de travaux depuis le terrain voisin n’était pas indispensable.
Elle ajoute au soutien de cette solution une explication intéressante sur l’atteinte disproportionnée à la propriété voisine en cas d’intervention sur celle-ci, la demande étant par conséquent refusée.
Victor de CHANVILLE
Avocat à Aubagne