Aux termes de l'article L 600-5-1 du code de l'urbanisme :
« Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».
Précision étant faite que l'article L 600-5 du code de l'urbanisme visé par l'article cité ci-dessus permet au tribunal de prononcer une annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme lorsqu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé,
l'article L 600-5-1 permet donc au tribunal administratif, lorsqu’il constate qu’un vice entachant la légalité du permis de construire peut être régularisé par un permis modificatif, de rendre un premier jugement (qualifié d' « avant dire droit », à la suite d'une première audience et après avoir sollicité les observations des parties à la procédure) par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi, c'est à dire qu'il ne se prononce pas de manière définitive sur la légalité de la décision.
Le bénéficiaire de l'autorisation doit en justifier dans un certain délai (4 mois devant le tribunal administratif de Marseille en général) et le tribunal rend ensuite un second jugement, définitif, à la suite d'une seconde audience, après que les parties à la procédure ont pu débattre sur la légalité de la décision de régularisation éventuellement prise par la commune.
Le dossier peut ainsi être plaidé deux fois par les avocats dans le cadre de ces deux phases de la procédure.
La régularisation – par une décision modificative, un permis de construire modificatif – peut concerner aussi bien un vice de forme ou de procédure qu'un vice de fond (se rapportant aux règles d'urbanisme applicables au projet objet de la demande, en général issues du plan local d'urbanisme ou du code de l'urbanisme, applicables au projet).
La distinction est importante puisque les règles applicables au permis modificatif – sur le fondement desquelles la possibilité de régulariser sera appréciée – ne seront pas les mêmes selon le vice concerné, ce que le Conseil d'Etat a indiqué notamment par un arrêt du 3 juin 2020 :
« Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision litigieuse, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date.
S'agissant des vices [de fond] entachant le bien-fondé du permis de construire, le juge doit se prononcer sur leur caractère régularisable au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue et constater, le cas échéant, qu'au regard de ces dispositions le permis ne présente plus les vices dont il était entaché à la date de son édiction ».
Autrement dit, si la réglementation d'urbanisme (règles de distance, de hauteur, etc) a évolué favorablement à la date du permis modificatif de régularisation, le pétitionnaire (bénéficiaire du permis) pourra obtenir son autorisation (permis de construire ou d'aménager, déclaration préalable) alors même que cela n'aurait pas été possible à la date à laquelle il a sollicité et obtenu la décision attaquée devant le tribunal ; cela permet notamment à une commune de modifier – dans certains cas et sous certaines limites évidemment – la réglementation applicable pour permettre la réalisation de certains projets...
Rappelons par ailleurs qu'en application des dispositions de l'article L 600-5-2 du code de l'urbanisme :
« Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance »,
et que l'article R 600-5 du même code prévoit que
« Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation est contesté dans les conditions prévues à l'article L. 600-5-2, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à son encontre passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant ».
Il s'en suit que le permis de construire modificatif ne pourra pas être contesté hors de la procédure et que passé un certain délai aucun argument nouveau ne pourra être soulevé au soutien de son illégalité.
La protection de son titulaire est ainsi assurée par la réglementation.
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne