Les conflits de voisinage sont fréquents, parfois relatifs à des questions importantes mais souvent en lien avec des difficultés pouvant être réglées sans trop de mal par un accord amiable.
De manière générale, je conseille souvent à mes clients, lorsque c'est envisageable, de rechercher une telle solution amiable afin d'éviter une action en justice.
Concrètement, lorsque les deux parties sont d'accord, il convient le plus souvent qu'elles signent un protocole d'accord transactionnel, juridiquement un contrat engageant les deux parties, en général rédigé par avocat pour qu'il puisse produire tous les effets juridiques attendus.
Il est néanmoins important, d'une part, que le protocole soit rédigé de manière très précise et rigoureuse tout en contenant certaines mentions juridiques particulières, d'autre part, de déterminer si le litige ne concerne que les propriétaires actuels des fonds concernés ou pourrait s'étendre à leurs ayant-droits (futurs acquéreurs, héritiers etc) et dans cette hypothèse de faire le nécessaire pour qu'il leur soit opposable.
Par exemple, si un accord amiable a pour effet de créer ou mettre fin à une servitude, les ayant-droits ont de fortes chances d'être concernés.
Or, le simple accord signe « sous seing privé » entre deux particuliers, s'il produit tous ses effets entre les parties concernées, n'est la plupart du temps pas opposable aux ayant-droits.
C'est pourquoi dans une telle hypothèse le protocole d'accord prévoit une réitération par acte authentique notarié qui conduit à sa publication au Service de publicité foncière : le protocole – autrement dit un contrat – devient alors opposable à tous les propriétaires successifs des fonds concernés.
C'est pourquoi d'ailleurs les ventes immobilières sont réitérées devant Notaire : elles deviennent une fois la publication opérée opposables à tous.
Si cette formalité n'est pas réalisée et/ou si le protocole n'est pas rédigé de manière adéquate, de mauvaises surprises sont à craindre.
Une décision de la Cour de cassation du 7 novembre 2019 illustre bien les difficultés pouvant résulter d'une telle situation.
Ainsi, par acte sous seing privé (donc non publié), une personne a autorisé son voisin à abaisser de quarante centimètres le mur dont elle était propriétaire et qui séparait leurs deux fonds, avec obligation, s'il vendait sa propriété, de le remonter à sa hauteur initiale.
Le premier a vendu sa propriété et l'accord n'a pas été respecté.
L'acquéreur a donc introduit une action contentieuse aux fins de voir condamner le voisin à respecter son engagement, par le paiement d'une somme représentant le coût de démolition et de reconstruction du mur.
Il a toutefois été débouté de ses demandes, la cour ayant notamment retenu que le contrat avait établi une relation purement bilatérale entre les deux voisins signataires, le mur ayant été arasé conformément à la convention, qu'aucune servitude n'était démontrée, qu'il n'était pas fait mention dans le contrat que l'obligation bénéficierait aux ayants cause à titre particulier du vendeur et que l'acheteur n'avait pas acquis l'immeuble sous condition que l'obligation du voisin se transforme en obligation envers lui,
et que, par conséquent, la charge imposée au voisin était personnelle et ne pouvait s'analyser comme étant attachée à l'immeuble voisin ; dès lors, le caractère accessoire d'un droit ne pouvant résulter du seul fait qu'il soit né à l'occasion du bien transmis, l'acquéreur, tiers à la convention, ne pouvait s'en prévaloir.
Autrement dit, l'acquéreur est analysé comme un tiers à la convention conclue entre le vendeur et son voisin, laquelle ne constitue pas une servitude attachée au terrain, et ne peut donc exiger son exécution forcée ou encore des dommages et intérêts.
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne