Le mécanisme de la prescription acquisitive (ou « usucapion ») permet d'acquérir la propriété d'un bien immobilier par des actes de possession répétés pendant une certaine durée (10 ou 30 ans selon les cas) et remplissant certaines caractéristiques définies par le code civil et la jurisprudence.
Le code civil indique en ce sens que « la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi » (article 2258).
Le code précise notamment que :
- pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire (article 2261),
- pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux (article 2265),
- le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ; toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans (article 2272).
Si la prescription acquisitive est acquise, lorsque ses conditions d'application sont remplies, en raison du seul écoulement du temps, il faut néanmoins saisir un tribunal pour la voir reconnaître légalement et officiellement, une expertise judiciaire pouvant dans certains cas s'avérer nécessaire en cette matière parfois technique.
Il est ainsi possible d'acquérir en vertu de ce mécanisme un terrain ou une partie de terrain, mais également des constructions, dont les murs.
La Cour de cassation a rendu le 20 juin 2019 un arrêt intéressants sur l'acquisition d'un mur ou de son assiette par prescription acquisitive ou usucapion.
Était concernée une affaire dans laquelle le syndicat des copropriétaires d'une copropriété voisine du fonds de l'auteur des travaux se plaignait de l'édification d'un mur empiétant sur l'assiette de la copropriété.
Après avoir constaté que, « pour accueillir la demande, l'arrêt [de Cour d'appel] retient que [l'auteur des travaux de construction du mur] ne saurait prétendre que l'implantation du mur litigieux date de 1972 alors que, même construit en remplacement d'un ancien mur, le nouveau mur a été construit en 2007 »,
la Cour a jugé « qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, avant la construction d'un nouveau mur en 2007, l'assiette de celui-ci n'était pas prescrite par la possession trentenaire, continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire d'un mur construit en 1972 par le père [du propriétaire actuel], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Autrement dit, même si le mur dont se plaint le syndicat des copropriétaires a été édifié bien moins de 30 ans avant l'introduction de l'action en justice, il a été bâti sur un mur ancien réalisé il y a plus de 30 ans par le précédent propriétaire : l'édification de cet ouvrage et la possession pendant plus de 30 ans de la bande de terrain sur laquelle il a été édifié remplit les conditions de la prescription acquisitive trentenaire ; dès lors, le précédent propriétaire étant devenu propriétaire du terrain et du mur, le nouveau propriétaire l'est également.
Ainsi, avant d'introduire une action en justice pour se plaindre d'un empiétement ou pour revendiquer une acqisition par le jeu de l'usucapion, l'ensemble des paramètres doivent être analysés par un spécialiste afin de ne pas suivre une voie vouée à l'échec.
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne