Aux termes de l'article R 151-22 du code de l'urbanisme : « peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ».
Aujourd'hui, face au développement constant de l'urbanisation dans les campagnes entraînant disparition et morcellement d'exploitations agricoles, le code de l'urbanisme et la jurisprudence administrative protègent de manière assez stricte les terres agricoles, notamment en limitant les constructions et aménagements susceptibles d'être autorisés dans une telle zone.
En particulier, les constructions à usage d'habitation ou dépourvues de lien avec l'exploitation agricole sont en général interdites;
pour autant, quelques aménagements à ces principes stricts existent, le code de l'urbanisme disposant notamment que dans les zones agricoles le règlement du plan local d'urbanisme peut, parfois à des conditions restrictives, dans certains secteurs ou sous réserve de l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles :
* autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (article L151-11),
* désigner les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site (article L151-11),
* autoriser des extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation existants, dès lors que celles-ci ne compromettent pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site (article L151-12),
* « à titre exceptionnel », délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés des constructions, des aires d'accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l'habitat des gens du voyage ou encore des résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs (article L151-13).
Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole ou encore en lien avec une telle exploitation sont bien entendues également autorisées par le règlement du PLU.
L'édification d'une résidence pour l'exploitant ou encore pour les ouvriers agricoles, ou bien la construction du siège de l'exploitation sont également admises parfois, ce qui donne d'ailleurs régulièrement lieu à débats ou contentieux, la jurisprudence retenant souvent que la construction d'un logement est justifié pour l'éleveur, voire l'apiculteur, mais pas forcément pour le cultivateur (de vignes notamment).
Dans ce contexte, il est permis de se demander si un agriculteur a le droit, en l'absence de dispositions particulières du plan local d'urbanisme à ce sujet, d'obtenir l'autorisation d'installer sur un bâtiment agricole des panneaux photovoltaïques (ou panneaux solaires pour reprendre les termes employés dans le langage courant) destinés à la production d'énergie ensuite revendue par une tierce entreprise.
Le Conseil d'Etat a répondu par l'affirmative dans un arrêt du 12 juillet 2019 (n° 422542).
Un exploitant agricole était propriétaire de près de 5 hectares et demi de terres, dont près de 2 hectares font l'objet d'une exploitation agricole, notamment sous des serres froides en tunnels d'une surface de près de 0,2 hectare destinées à une production maraîchère diversifiée.
Le maire de Montauban lui a délivré un permis de construire et un permis de construire modificatif en vue de l'édification d'une serre de production maraîchère d'une surface de près de 2 hectares, d'une longueur de 216 mètres et d'une largeur de 95 mètres pour une hauteur au faîtage de 5,16 mètres, équipée de panneaux photovoltaïques sur une partie de la toiture, cet aspect du projet étant pris en charge par une tierce société qui détiendra le droit de vendre l'électricité produite.
Les permis de construire ont été contestés devant le juge administratif, ce qui a donné lieu à la solution suivante :
après avoir indiqué que « la circonstance que des constructions et installations à usage agricole puissent aussi servir à d'autres activités, notamment de production d'énergie, n'est pas de nature à leur retirer le caractère de constructions ou installations nécessaires à l'exploitation agricole ... dès lors que ces autres activités ne remettent pas en cause la destination agricole avérée des constructions et installations en cause »,
le Conseil d'Etat constate que « pour juger que les permis de construire litigieux méconnaissaient les dispositions de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de Montauban, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que la serre dont ils autorisaient la construction permettrait le développement de l'exploitation agricole en améliorant sa production maraîchère, s'est fondée sur les dimensions de la serre et sur la circonstance qu'une partie de sa toiture serait recouverte par des panneaux photovoltaïques destinés à produire de l'électricité pour juger que la construction ne pouvait être regardée comme nécessaire à l'activité agricole »,
puis juge qu' « en statuant ainsi, alors que l'installation de ces panneaux photovoltaïques ne remettait pas en cause la destination agricole avérée de la serre, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ».
Cette solution paraît logique dans la mesure où, outre l'aspect environnemental et développement durable qu'il paraît souhaitable de développer de nos jours, le projet autorisé n'est pas incompatible avec l'exercice de l'activité agricole et ne remet pas en cause la vocation agricole de la zone, au contraire même puisque son utilité pour l'activité agricole est avérée.
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne