Victor de Chanville

Avocat au Barreau de Marseille

141 avenue du 21 Août 1944 - 13400 Aubagne   |   Tél: 04-84-48-98-60




Responsabilité en cas de refus du concours de la force publique en vue de la démolition d'une construction illégale


Catégorie : Droit de l'urbanisme

          Lorsqu'une construction est édifiée sans autorisation d'urbanisme (permis de construire, déclaration préalable etc), une infraction pénale – plus précisément un délit – est caractérisée.

 

Si des poursuites sont entreprises par le ministère public dans les délais requis (6 ans à compter, en général mais pas toujours, de l'achèvement des travaux ou du moins de la date à laquelle l'immeuble est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné) après établissement d'un procès verbal par la police municipale ou la direction départementale des territoires, l'affaire est jugée devant le tribunal correctionnel.

 

L'infraction, si elle n'est pas susceptible d'être régularisée, est sanctionnée par une peine d'amende et, parfois, une mesure de restitution : la condamnation à remettre les lieux en leur état antérieur aux travaux, autrement dit la démolition des bâtiments édifiés sans autorisation.

 

La sévérité de la peine dépendra notamment de l'ampleur de la construction illégale (bâtiment entier ou une partie seulement, emprise au sol ou surface de plancher notamment), de sa situation (en zone urbaine, naturelle, protégée etc) et du profit éventuellement retiré par l'auteur des travaux irréguliers (si le bâtiment est exploité ou loué par exemple).

 

Notons que la condamnation à démolir est souvent assortie d'une astreinte journalière, qui court tant que l'achèvement des travaux n'a pas été constaté, ce qui peut donner lieu a paiement de sommes très importantes lorsqu'une décision pénale n'est pas exécutée.

 

Il est notable cependant qu'en vertu des dispositions de l'article L 480-7 du code de l'urbanisme « le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d'une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter », ce qui implique de saisir cette juridiction par requête.

 

 

           L'article L 480-9 du code de l'urbanisme dispose dans ce contexte que « si, à l'expiration du délai fixé par le jugement, la démolition, la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n'est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol.

 

Au cas où les travaux porteraient atteinte à des droits acquis par des tiers sur les lieux ou ouvrages visés, le maire ou le fonctionnaire compétent ne pourra faire procéder aux travaux mentionnés à l'alinéa précédent qu'après décision du tribunal de grande instance qui ordonnera, le cas échéant, l'expulsion de tous occupants ».

 

Cet article est intéressant en ce qu'il met à la charge de l'administration une véritable obligation de veiller à l'exécution des décisions rendues par le tribunal correctionnel en matière d'urbanisme, ce qui peut donner lieu à des actions en responsabilité en cas de carence.

 

Le Conseil d'Etat résume ainsi les principes applicables de la manière qui suit :

« Il résulte de ces dispositions que, au terme du délai fixé par la décision du juge pénal prise en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, il appartient au maire ou au fonctionnaire compétent, de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers, sous la réserve mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 480-9 du code, de faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de cette décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l'ordre ou de la sécurité publics justifient un refus.

En outre, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation d'urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition, la mise en conformité ou la remise en état a été ordonnée par le juge pénal, l'autorité compétente n'est pas tenue de la rejeter et il lui appartient d'apprécier l'opportunité de délivrer une telle autorisation de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l'infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d'urbanisme applicables.

Dans le cas où, sans motif légal, l'administration refuse de faire procéder d'office aux travaux nécessaires à l'exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie. En cas de refus légal, et donc en l'absence de toute faute de l'administration, la responsabilité sans faute de l'Etat peut être recherchée, sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques, par un tiers qui se prévaut d'un préjudice revêtant un caractère grave et spécial ».

 

          Pour que la responsabilité de l'administration soit retenue, il faut néanmoins prouver de manière irréfutable, d'une part, l'existence du préjudice et son lien avec les travaux irréguliers, d'autre part, la gravité suffisante de ce préjudice justifiant une indemnisation.

 

La jurisprudence administrative se montre en effet souvent sévère à ce sujet comme l'illustre un arrêt récent du Conseil d'Etat du 13 mars 2019 (n° 408123) :

« Pour rejeter la demande d'indemnisation d'un préjudice lié à la perte de valeur vénale du bien de M.C..., la cour a relevé, au terme d'une appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation, que les estimations immobilières produites ne permettaient d'établir ni la réalité de la dépréciation alléguée, ni l'existence d'un lien de causalité avec les travaux irréguliers. En s'abstenant de diligenter sur ce point une mesure d'instruction, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. Enfin, si le requérant soutient qu'elle aurait commis une erreur de droit en relevant qu'il n'avait fait état d'aucun projet de vente de sa propriété et qu'il ne pouvait ainsi obtenir une indemnisation d'un préjudice purement éventuel, cette critique est inopérante dès lors qu'elle vise un motif surabondant de l'arrêt attaqué.

Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de divers troubles de jouissance, notamment liés à une perte de vue et d'ensoleillement et à la chute de claustras, la cour a jugé qu'il résultait de l'instruction, notamment des documents photographiques produits, que certains de ces troubles ne présentaient aucun caractère de gravité et que d'autres étaient occasionnels et sans lien avec les travaux irréguliers. Contrairement à ce que soutient le requérant, en se prononçant ainsi, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation.

Pour rejeter la demande d'indemnisation du préjudice résultant d'infiltrations d'eaux dans la cuisine du requérant, dues à des malfaçons et aggravées par un défaut d'entretien, la cour a relevé qu'elles ne trouvaient pas de manière suffisamment directe et certaine leur cause dans la décision de l'administration et qu'elles ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant. En se prononçant ainsi, au vu notamment des rapports d'expertise établis à la demande de l'assureur du requérant et des résultats d'une expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Lille, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, ni commis d'erreur de qualification juridique ».

 

Il est donc essentiel, lorsqu'on est confronté à une telle situation dans laquelle l'administration refuse d'intervenir, de bien préparer son dossier avant de saisir le tribunal administratif d'une action en responsabilité, l'aide d'un avocat pouvant s'avérer essentielle.

 

Victor de Chanville

Avocat à Aubagne

 

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