Le bornage consiste à définir juridiquement et matérialiser sur le terrain les limites de propriétés privées, appartenant ou destinées à appartenir à des propriétaires différents.
Il permet de fixer définitivement et officiellement les contenances des propriétés et leurs limites, et peut donc s'avérer important et/ou être à l'origine de litiges.
L'article 646 du code civil prévoit dans ce contexte que « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs ».
C'est une simple faculté (sauf en cas de vente d'un terrain situé dans un lotissement, le bornage étant obligatoire), laquelle est imprescriptible en tant que telle (c'est à dire que l'on peut toujours la mettre en œuvre sans condition de délai et à condition qu'un bornage contradictoire ne soit pas encore intervenu).
Mais lorsque le bornage est sollicité par un propriétaire, une véritable obligation s'imposera à ceux des fonds contigus.
Si les dispositions de l'article 646 du code civil sont mises en œuvre, les opérations de bornage devront être réalisées de manière contradictoire, c'est à dire en présence de l'ensemble des propriétaires des parcelles concernées.
Le principe est le bornage amiable mais, à défaut d'accord entre les intéressés, l'un des propriétaires peut contraindre les autres à un bornage judiciaire.
Concrètement, il convient de saisir à cet effet le tribunal d'instance, lequel désignera un géomètre-expert chargé des opérations de bornage et homologuera ensuite le rapport qui s'imposera, dès lors, à tous.
En matière de droit immobilier c'est une notion souvent mise en œuvre, par les géomètres ou les avocats, puisqu'il est souvent indispensable de connaître les limites de sa propriété, de nombreux conflits de voisinage étant en lien avec la question.
Pour qu'un bornage soit envisageable, deux conditions principales assez simples doivent être remplies :
- des droits de propriété privée distincts entre les fonds devant être bornés,
- des fonds contigus.
En revanche, la Cour de cassation a jugé récemment (arrêt du 13 décembre 2018, n° 17-31270) que l'action en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite naturelle :
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 juillet 2017), que Mmes Jeannine et Anne-Marie Z... et MM. B..., C... et D... Z..., propriétaires indivis des parcelles cadastrées section [...] et [...], ainsi que Mmes Claudine et Catherine E... et M. X..., propriétaires indivis de la parcelle cadastrée même section n° [...], ont assigné en bornage M. Y..., propriétaire de la parcelle cadastrée section [...] ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter la demande alors, selon le moyen, que la contiguïté constitue la condition nécessaire et suffisante à l'accueil d'une demande en bornage ; qu'en relevant que l'« action en bornage ne p(ourrait) être exercée lorsque les fonds sont séparés par une limite naturelle » et qu'il n'y avait pas lieu à bornage aux motifs qu'une falaise, « limite naturelle mais encore infranchissable sans moyen technique approprié » se « dessin(erait) » entre les parcelles en cause, quand cette circonstance n'était pas de nature à faire obstacle au bornage de fonds contigus, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que l'action en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite naturelle et constaté que la parcelle n° [...] était séparée des parcelles n° [...] et [...] par une falaise dessinant une limite non seulement naturelle mais encore infranchissable sans moyens techniques appropriés, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action n'était pas fondée ».
Cette règle selon laquelle l'action en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite naturelle, de par sa formulation générale, semble désormais pouvoir être considérée comme s'ajoutant aux principes régissant le droit au bornage.
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne