Les collectivités publiques et concessionnaires de services publics sont responsables des dommages causés aux tiers par les ouvrages dont ils ont la garde ou par les travaux publics qu’ils exécutent (avec l’entrepreneur éventuellement), l'ensemble étant désigné sous l'expression « dommages de travaux publics ».
En dehors de cas de force majeure, cette responsabilité ne peut être écartée ou réduite que dans la mesure où le dommage est imputable à la faute de la victime.
Le dommage subi par la victime doit présenter un caractère anormal et spécial, qui doit être démontré par le requérant, pu du moins par son avocat sur le fondement des éléments et indications qui lui auront été fournis.
En définitive, ce mécanisme est le pendant de la théorie (civile, relevant plutôt du droit immobilier) des troubles anormaux de voisinage, permettant à un voisin d'obtenir la fin des nuisances qu'il subit à ce titre et éventuellement l'indemnisation de son préjudice.
Il est intéressant de revenir sur certaines illustrations jurisprudentielles récentes, permettant de se faire une idée sur les préjudices dont la réparation pourra être sollicitée devant le tribunal administratif.
Ainsi, par exemple, le caractère anormal du dommage a été reconnu récemment par la jurisprudence dans les cas suivants :
- dégradations causées à un immeuble (décollement important de l’enduit et fissures) à la suite des travaux de démolition d’un trottoir et de rabaissement du niveau d’une rue (CAA Marseille 22/10/2015),
- effondrement d’un mur de clôture du fait du blocage des eaux de ruissellement généré par l’aménagement d’un talus entouré d’un muret (CAA Lyon 26/4/2016),
- nuisances sonores, poussière et dépôts de terre générés par le passage des 140 camions empruntant quotidiennement une déviation récemment mise en service sur une route départementale passant devant l’habitation des requérants, dans le but de détourner du centre du village le passage de camions à destination ou en provenance d’une carrière d'argile (CAA Marseille 7/1/2016),
- gênes visuelle (la vue, s’étendant à l’origine sur plusieurs kilomètres, étant désormais limitée à 170 mètres) et sonore (passage quotidien de 137 trains à grande vitesse) causées par l’implantation d’une ligne à grande vitesse (CE, 8/1/2015).
Le caractère anormal a en revanche été écarté dans les hypothèses suivantes :
- difficultés rencontrées pour accéder à son domicile, nuisances sonores et encombrement de la chaussée par des baraquements et engins de chantier pendant des travaux (CAA Paris, 15/2/2016),
- nuisances sonores découlant de la création d’un terrain multisports alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces nuisances « atteignent un niveau difficilement supportable, eu égard, en particulier, à leur relativement faible occurrence ainsi qu'aux horaires d'utilisation de l'ouvrage » (CAA Lyon, 4/2/2016),
- suppression par des travaux d’un accès automobile à une propriété en comptant un autre (CAA Nantes, 16/6/2016),
- présence et exploitation d'une aire de stockage de déchets verts, d'encombrants et de déchets d'équipements électriques et électroniques à proximité immédiate d’habitations, dès lors que son impact visuel « tenant à la présence d'un amas de végétaux et d'une machine à broyer, demeure limité depuis la propriété des requérants », qu’« il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à la nature des déchets stockés, que [les nuisances olfactives générées] excédent les inconvénients résultant, de manière générale, de ce type d'ouvrage » ni que les nuisances sonores avancées « atteindraient un niveau particulièrement élevé », « les horaires durant lesquels les déplacements des engins utilisés sur le site sont autorisés » étant en outre limités et « les opérations de broyage des déchets verts [n’étant] réalisées que trois ou quatre fois par an » (CAA Marseille, 16/6/2016).
Il convient ainsi dans chaque situation de bien s'attacher aux conséquences concrètes des travaux publics ou de l'existence d'un ouvrage public, le champ des dommages réparés étant assez vaste, notamment au niveau des atteintes aux biens immobiliers.
Notons que l'article R 421-1 du code de justice administrative exigera à compter du 1er janvier qu'une demande indemnitaire préalable soit formée auprès de l'administration préalablement à toute saisine du tribunal, dont l'avocat peut se charger.
Victor de CHANVILLE
Avocat à Aubagne