La Cour de cassation a eu l'occasion, au cours de l'année écoulée, de se prononcer sur certaines questions intéressantes pour les acquéreurs d'immeubles à construire, du moins pour ceux en conflit avec le promoteur-constructeur.
Ci-après, le point sur ces solutions, certaines énonçant des principes nouveaux et d'autre ayant le mérite de rappeler certaines règles à ne pas oublier.
1/ Aux termes d'un arrêt du 10 mars 2015, la Cour de cassation a souligné l'importance des documents contractuels de la vente, essentiels à la parfaite information de l'acquéreur, en considérant que l'erreur affectant le plan de masse entraîne la non conformité du bien acquis.
En effet, alors que l'appartement aquis, situé au 4e étage d'un immeuble, devait avoir pour vis à vis un autre immeuble décalé sur la gauche, il est apparu après la construction du nouveau bâtiment que l'immeuble en vis à vis etait en réalité haut de 5 étages et situé juste en face de celui acquis...
Il est notable que la non conformité aux documents contractuels est retenue alors même que l'immeuble en vis à vis était préexistant.
2/ Par un deuxième arrêt du 24 mars 2015 nettement moins favorable à l'acquéreur, la Cour de cassation rappelle que le retard dans la délivrance du bien acquis, même très conséquent (18 mois en l'occurrence), n'est susceptible d'entraîner la résolution de la vente que s'il peut être qualifié de manquement d'une gravité suffisante.
La Cour d'appel ayant prononcé la résolution du contrat sans justifier suffisamment de la gravité de la faute, sa solution est sanctionnée, la Cour de cassation semblant considérer que, à partir du moment où la prise de possession a été possible, la condition de gravité n'était pas remplie...
3/ Un troisième arrêt de la même juridiction du 20 mai 2015 vient nous rappeler que les dispositions spécifiques existant en matière de défaut d'isolation phonique n'excluent pas la mise en oeuvre de la responsabilité décennale, tout en apportant une précision utile dans ce dernier cas.
Pour mémoire, l'article L 111-11 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le vendeur d'immeuble à construire est tenu d'une garantie d'isolation phonique pendant un an à compter de la prise de possession dans l'hypothèse du non respect des normes légales et réglementaires.
Cette garantie supplemantaire n'exclut toutefois pas la garantie décennale, comme cela a été dit.
Mais la responsabilité décennale ne peut être retenue que si les conditions de l'article 1792 du code civil sont remplies, en l'occurrence l'impropriété du bien à sa destination.
Une telle impropriété est elle envisageable lorsque les exigences minimales légales ou règlementaires visées par le code de la construction et de l'habitation ont été respectées ou n'ont été que très légèrement méconnues?
L'arrêt dont il est question répond par l'affirmative pour le cas d'un « dépassement limité », dans le prolongement d'une solution rendue il y a une dizaine d'années qui avait retenu la responsabilité décennale alors même que lesdites « exigences minimales » avaient été respectées.
La même décision nous apporte une autre précision: « en l'absence d'indication particulière dans le descriptif des prestations de l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement, constitue une impropriété à destination l'exiguité de l'accès à une place de parking qui rend celle-ci inutilisable pour une voiture de tourisme ».
4/ Dans une décision du 16 septembre 2015, la haute juridiction rapelle, précisant des solutions antérieures, que les infiltrations d'eau dans le sous sol et le garage situés en dessous d'une habitation relèvent bien de la garantie décennale.
L'argument selon lequel l'atteinte à la destination prévue au contrat n'était pas caractérisée faute d'infiltrations dans l'habitation elle-même n'a pas été retenu, ce qui pourrait s' expliquer par le fait que le sous sol s' intègre nécessairement à la structure du bâtiment dans son entier.
5/ Un autre arrêt du 30 septembre 2015 rappelle la force de la présomption de responsabilité pesant sur le constructeur, en vertu de l'article 1792 du code civil (aux termes duquel « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination »), en cas de désordre affectant l'ouvrage.
Cette présomption n'est contrariée ni par l'absence de faute du constructeur ni, comme c'est le cas en l'occurrence, par l'absence de possibilité de déterminer précisément les causes des désordres malgré la réalisation d'une expertise judiciaire.
Il est notable de surcroît que, dans le cas d'espèce, des travaux avaient entre temps été effectués par un tiers sur l'ouvrage concerné.
Cette solution paraît néanmoins conforme à l'objet de la protection décennale : la protection du l'acquéreur.