En matière de vente en général et de vente immobilière en particulier, certaines difficultés peuvent engager la responsabilité du vendeur et donner lieu au paiement de dommages et intérêts à l'acheteur, et même dans certaines hypothèses à une annulation de la vente.
Les difficultés consistent souvent en un désordre qualifié de vice caché, relevant de l'article 1641 du code civil aux termes duquel « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, on n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Mais elles relèvent aussi très régulièrement d'un défaut de conformité dans le cadre de l'obligation de délivrance du bien à laquelle est tenu le vendeur.
L'article 1603 du code civil prévoit ainsi que le vendeur « a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend », l'article 1604 du même code disposant que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».
Ainsi, l'obligation de délivrance consiste à remettre la chose vendue à l'acquéreur.
Le bien ainsi délivré doit être conforme non seulement à ce qui a été prévu dans le contrat de vente mais aussi aux qualités implicitement convenues ou légitimement attendues, c'est à dire les caractéristiques de la chose en considération desquelles la vente est censée avoir été conclue.
Bien entendu, ce fondement est plus souvent utilisé en matière de construction (non conformité aux prévisions du contrat, ou alors en matière d'urbanisme au au permis de construire) mais peut également être utile en matière de vente immobilière, comme l'illustre un arrêt récent de la cour de cassation du 5 décembre 2019 (18-23709) :
« Attendu que, pour rejeter l'action en responsabilité contractuelle des consorts R... contre les vendeurs, l'arrêt retient qu'aucun des actes de vente successifs intervenus entre les consorts M... et M. et Mme W..., puis entre ceux-ci et les consorts R... ne prévoyait la création ou l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle [...] bénéficiant à la propriété acquise par les consorts R... et que le bien qui leur a été délivré était ainsi conforme à celui qui était décrit à l'acte ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la non-conformité ne résultait pas du fait qu'en l'absence de droit de passage par la parcelle [...] , la maison, dont l'unique entrée était située sur la façade sud, n'était plus accessible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Cette affaire se rapportait à l'acquisition d'une maison sans qu'aucune servitude de passage ou chemin d'accès ne soit mentionné dans l'acte de vente.
Une difficulté est fatalement intervenue à ce sujet après l'installation des nouveaux propriétaires, ce qui les a conduits à saisir la justice.
Ils ont dans un premier temps été déboutés de leurs prétentions, notamment en appel, la cour d'appel ayant estimé qu'à défaut de mention d'une servitude de passage dans l'acte de vente aucun défaut de conformité du bien vendu ne pouvait être caractérisé.
Mais a cour d'appel s'était intéressée uniquement à la conformité du bien vendu aux dispositions de l'acte de vente.
Or, comme je l'ai indiqué ci-avant, la conformité concerne également les caractéristiques de la chose en considération desquelles la vente est censée avoir été conclue.
Cela explique que la cour de cassation a donné raison aux acheteurs : certes l'acte de vente ne prévoyait aucun accès à la maison nouvellement acquise, mais par définition lorsque l'on achète une maison on est censé pouvoir y accéder, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence.
La seule exception à ce principe consisterait probablement à prévoir dans l'acte une clause informant sans équivoque l'acquéreur sur l'état d'enclave du terrain (précision étant faite que le désenclavement est de droit dans une telle situation mais intervient souvent à l'issue d'une procédure judiciaire).
Victor de Chanville
Avocat à Aubagne